Quand les nazis brûlaient des livres // Une nouvelle génération de pêcheurs formés au Brésil
Les flammes s'élancent dans la nuit berlinoise, dévorant avidement les pages de milliers de livres. Environ 70.000 personnes, dont des étudiants et des professeurs d'université, assistent à l'autodafé organisé sur la place de l'opéra.
"Contre la décadence et la déchéance morale ! Pour la discipline et les mœurs dans la famille et l'Etat ! Je remets au feu les écrits de Heinrich Mann, Ernst Glaeser et Erich Kästner !", crie un étudiant avant de jeter au feu des livres des auteurs conspués.
Ils rejoignent dans le bûcher des ouvrages d'auteurs désormais bannis de la culture allemande : Albert Einstein, Sigmund Freud, Bertold Brecht, Thomas Mann... et bien d'autres encore. Leur point commun : ils sont juifs, communistes, pacifistes... ou considérés comme ennemis de l'idéologie nationale-socialiste.
Une mise en scène spectaculaire
"C'est une mise en scène", explique Hélène Camarade, professeure en études germaniques à l'université de Bordeaux-Montaigne, en France.
"Cela s'inscrit dans une campagne que les nationaux-socialistes mènent depuis plusieurs semaines contre ce qu'ils appellent l'esprit "non allemand", tout ce qui dans la culture ou le monde des idées est considéré non conforme à l'esprit allemand, ce qui englobe de nombreux courants de pensée. Ce jour-là, c'est une mise en scène. Beaucoup d'étudiants sont en uniforme, on fait cela en soirée, donc il y a des flambeaux, c'est assez spectaculaire."
Environ 200 autodafés ont lieu dans différentes villes d'Allemagne au cours des jours et semaines qui suivent le 10 mai 1933.
Ils sont organisés comme des événements festifs, spectaculaires, avec le soutien du ministre de la propagande, Joseph Goebbels. Celui-ci avait déjà annoncé son objectif quelques semaines auparavant.
"A l'époque, des intelligences juives étrangères à la culture allemande sévissaient encore dans la presse, au théâtre et au cinéma. Aujourd'hui, ils ont été balayés de la scène publique et, à leur place, se dressent à nouveau les fleurs culturelles d'une vie intellectuelle allemande renaissante".
Un peu plus de trois mois après l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir, les nazis sont déjà bien ancrés en Allemagne.
Trop d'événements en peu de temps
Les événements se sont précipités depuis le 30 janvier. Il y a eu l'incendie du Reichstag début février, avec l'arrestation des communistes et la suspension des droits fondamentaux, puis un mois plus tard, les élections remportées par le parti nazi, qui fait adopter dans la foulée la loi sur les pleins pouvoirs, le 23 mars.
Début avril, les nationaux-socialistes appellent au boycott des magasins juifs, ils mènent aussi une purge dans la fonction publique pour mettre à la retraite ou en congé les fonctionnaires juifs.
Et le 2 mai, les syndicats sont interdits. Autant d'événements qui peuvent expliquer, selon Hélène Camarade, la relative passivité des Allemands aux autodafés de mai.
"Les réactions sont d'ordre privé, déjà à l'époque. On a compris le danger à s'exprimer librement en public car on est en train de verrouiller l'espace public."
La professeure rappelle qu'un mois avant, le boycott des magasins juifs avait suscité beaucoup de réactions négatives dans la population allemande et dans la presse internationale. "Cela a même conduit les nazis à modifier leur politique anti-juive. Pour ce qui est de l'incendie des livres, il y a eu des réactions mais pas de l'ordre de ce qu'on attendrait aujourd'hui: à l'époque, il se passe des événements tous les jours, donc c'est difficile de prendre la mesure des événements au moment où ils ont lieu."
Une liste noire qui ne cesse de grandir
La radio, qui est en train de s'établir en précieux outil de propagande pour le régime nazi, permet de retransmettre les autodafés. Le message est symbolique, explique encore Hélène Camarade :
"L'autodafé, c'est lié à la volonté de faire une liste noire d'auteurs et d'autrices qu'on va exclure des bibliothèques et des librairies. On trace une ligne rouge entre qui est à emprunter et à publier et le reste. Tous les auteurs qui vont se trouver sur cette liste noire vont être en difficultés dans leur vie professionnelle. Cette liste va être de plus en plus élargie. En 1939 on en est à plus de 4000 titres et 500 œuvres complètes, dont celles de Bertold Brecht ou Karl Marx."
Les événements du printemps 1933 entraînent un exode massif d'intellectuels et d'artistes allemands. En quelques mois, la nation jadis admirée pour sa culture perd ses plus grands talents, contraints à l'exil.
L'écrivain Thomas Mann est l'un d'eux et comme beaucoup d'autres, il deviendra un adversaire virulent du nazisme à l'étranger. En mars 1941, il s'adresse à ses compatriotes allemands, au micro de la BBC.
"C'est une voix qui met en garde - vous mettre en garde est le seul service qu'un Allemand comme moi puisse vous rendre aujourd'hui."
Un auteur oublié se plaint
Un auteur a protesté en 1933 contre les autodafés : Oskar Maria Graf, exilé à Vienne, remarque que ses livres ne font pas partie des ouvrages jetés au feu.
Il se plaint de ce "déshonneur" dans une tribune publiée dans un journal viennois. Quelques années plus tard, en 1939, Bertold Brecht reprendra son histoire dans un poème intitulé "On brûle les livres".
"Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes" - lorsque l'écrivain allemand Heinrich Heine, fait cette déclaration en 1817, il n'imagine sans doute pas à quel point elle est prophétique...
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Une nouvelle génération de pêcheurs formée au Brésil
Sur la mythique plage de Copacabana, à Rio de Janeiro, se trouve la plus ancienne coopérative de pêcheurs de la ville. La Z-13 a été fondée en 1923, mais la tradition de pêche est bien plus ancienne encore !
La soixantaine de pêcheurs artisanaux vendent directement le fruit de leur travail sur place, aux habitants et touristes de la région. Mais leur survie est menacée par la pêche industrielle… Les poissons se font de plus en plus rares et les pêcheurs de plus en plus âgés…
C’est la raison pour laquelle un projet de formation de jeunes pêcheurs a été mis en place cette année. Un cours gratuit pour encourager les jeunes à choisir cette profession. C'est un reportage de Sarah Cozzolino à écouter en deuxième partie de Vu d'Allemagne.