Attirer des travailleurs qualifiés, encore un défi en Allemagne // Les Etats-Unis face à la crise du fentanyl
Plus d'un million trois cent mille emplois qualifiés disponibles, mais personne pour les occuper, un problème de plus en plus important pour l'Allemagne. Mais comment attirer la main d'œuvre nécessaire à la bonne santé économique et sociale du pays ?
Depuis 2020, l'Allemagne a adopté une série de mesures pour faciliter l'accès du marché du travail aux étrangers. Mais les premières n'ont pas eu l'effet escompté.
2023 : une nouvelle loi pour l'immigration de travailleurs qualifiés
Alors le gouvernement, entretemps dirigé par Olaf Scholz, a revu sa copie il y a un an. Et le 18 novembre 2023 est entrée en vigueur la nouvelle Fachkräfteeinwanderungsgesetz - en français la "loi sur l'immigration de travailleurs qualifiés".
Elle a notamment facilité l'accès à des visas de travailà des personnes sans diplôme mais disposant d'une expérience professionnelle.
La "carte bleue européenne" existait déjà - un système d'immigration sur le modèle de la carte verte américaine, mais elle n'était accessible qu'aux diplômés ou exerçant dans une profession "en pénurie".
Elle était aussi liée à des conditions de revenus très strictes, explique Tanja Fendel, chercheuse à l'Institut de recherche sur le marché du travail et l'emploi.
"Il fallait que les personnes aient une promesse d'embauche et aussi qu'ils touchent un niveau de salaire minimum afin d'éviter le dumping salarial. Le but est d'une part que les personnes ne gagnent pas trop peu pour vivre ici en Allemagne et, d'autre part, qu'elles ne soient pas une trop grande concurrence pour la main-d'œuvre locale."
Résultat : les emplois étaient peu accessibles pour les candidats étrangers souvent payés comme des débutants. La loi de 2023 a abaissé le niveau de salaire requis et étendu le groupe de personnes pouvant accéder à la carte bleue.
La liste des métiers en pénurie de main d'œuvre a notamment été élargie à des métiers comme pharmaciens, vétérinaires, dentistes ou encore éducateurs.
Trop de barrières bureaucratiques
Mais surtout, il est désormais possible de venir travailler en Allemagne sans présenter de diplôme professionnel reconnu. Une mesure pour répondre à un problème typiquement allemand, selon Susanne Schultz. Elle est experte des questions de migration à la fondation Bertelsmann.
"La difficulté en Allemagne c’est que le marché du travail est très focalisé sur les diplômes. Avec cette loi introduite l’année dernière, on a introduit une facilitation de travailler seulement avec de l’expérience de travail, mais ce n’est pas obligatoire d’avoir un diplôme à l’entrée en Allemagne."
Mais pour ceux qui ont déjà des diplômes, la reconnaissance des diplômes étrangers fait toutefois partie des barrières burocratiques encore bien présentes pour les travailleurs qualifiés, regrette pour sa part Tanja Fendel, de l'Institut de recherche sur le marché du travail et l'emploi.
"La reconnaissance des diplômes durait en moyenne un an et demi ces dernières années. Quand on pense que l'Allemagne est en concurrence avec la France ou d'autres pays, c'est évidemment une période très longue pendant laquelle les travailleurs qualifiés peuvent envisager d'aller s'installer dans un autre pays."
Augmentation des demandes de visas de travail
Un an après l'entrée en vigueur de la loi, les ministères impliqués dans sa mise en œuvre - Intérieur, Travail et Affaires étrangères - tirent un bilan positif.
Entre 2023 et 2024, plus de 10% de visas ont été accordés en plus pour des travailleurs qualifiés. En chiffres bruts, cela donne 200.000 visas accordés contre très exactement 177.578 il y a un an à la même période.
Dans son communiqué de presse, le ministère de l'Intérieur affirme que "ces chiffres sont un signal fort, surtout au vu des défis conjoncturels actuels".
Selon Susanne Schultz, il existe toutefois encore de nombreux obstacles au recrutement de personnel qualifié étranger. Elle cite notamment les barrières linguistiques, même si des progrès ont été observés ces derniers temps.
"Auparavant, quand une personne arrivait en Allemagne, commençait à travailler, le problème de langue était toujours considéré comme le problème le plus grand. Ce n’est plus 65% des entreprises qui disent que c’est le problème primordial mais plus ou moins 50%. C’est toujours la moitié, mais cela a quand même diminué. Maintenant ce n’est pas obligatoire de venir en Allemagne pour travailler et savoir parfaitement l’allemand. Maintenant c’est possible d’apprendre l’allemand en étant déjà en Allemagne et en ayant déjà commencé à travailler. C’est une certaine ouverture qui est en place pour le moment."
Revoir la culture de l'accueil
Selon Susanne Schultz, les entreprises allemandes ont toutefois toujours du mal à recruter des travailleurs qualifiés. Cela pourrait aussi avoir un lien avec la culture de l'accueil. Une étude de l'OCDE sortie en janvier sur l'attractivité du marché du travail allemand soulignait déjà ce point.. Et cela ne s'est pas arrangé depuis, comme le confirme Tanja Fendel:
"C'est un point très important. Nous voyons dans les données recueillies que les travailleurs qualifiés sont certes aussi satisfaits que les travailleurs allemands en général, de leur travail et de leur salaire, et que beaucoup se sentent attachés à l'Allemagne, mais plus de la moitié d'entre eux ont, selon leurs propres estimations, déjà fait l'expérience de la discrimination."
Etant donné que beaucoup de candidats à l'immigration s'informent via leurs réseaux de connaissances et de parents déjà installés en Allemagne avant de présenter une demande de visa, l'experte en migration insiste sur le fait que de telles expériences de discrimination devraient être évitées.
En juin 2024, une nouvelle étape a été franchie pour l'intégration de personnel qualifié, avec des facilités d'accès encore plus grandes à des titres de séjours et une simplification du regroupement familial. Une "carte des opportunités" a également été introduite pour faciliter la recherche d'emploi et faire reconnaître l'équivalence d'une qualification à l'étranger.
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Et maintenant direction l’Oregon sur la côte Pacifique des Etats-Unis.
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