Le 15 décembre prochain, le président de République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, rencontrera son homologue rwandais, Paul Kagame, à Luanda, dans le cadre du processus de paix en cours pour résoudre le conflit dans l’est de la RDC.
Dans une interview accordée au bureau de Kinshasa de la DW, la ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, est revenue sur la crise entre le Rwanda et la RDC, affirmant qu’il n’y a "rien de défensif" dans l’attitude du Rwanda qui maintient 4.000 soldats sur le sol congolais. Pour la ministre congolaise, "c’est de l’occupation".
La cheffe de la diplomatie congolaise affirme, par ailleurs, que la RDC n’a jamais appuyé les Forces démocratiques de libération du Rwanda, qui luttent contre Kigali depuis la RDC. Thérèse Kayikwamba Wagner concède toutefois des "cas isolés" qui auraient été sanctionnés.
Interview de Thérèse Kayikwamba Wagner
DW : Madame la ministre, l'Angola a annoncé une rencontre entre les présidents Félix Tshisekedi et son homologue Paul Kagamé. Qu'attend la RDC de cette rencontre ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : Nous espérons qu'avec cette rencontre et ce sommet au niveau des trois chefs d'Etats, le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo et ses homologues angolais et rwandais, que nous ayons l'aboutissement des efforts du processus de Luanda qui devrait nous aider à mettre fin au conflit à l'est de la République démocratique du Congo.
Nous espérons qu'à travers cette facilitation et à travers cette réunion au niveau des chefs d'Etats, nous pourrons mettre un point final à ce conflit.
Tourner la page définitivement pour que la République démocratique du Congo assume pleinement le contrôle de tout son territoire national.
Et donc que les troupes rwandaises qui sont sur notre territoire souverain, sans invitation et en violation du droit international, se retirent définitivement de la République démocratique du Congo.
DW : Vous venez encore de contester la version du Rwanda, à savoir que ce qui se passe dans l'Est est un problème purement congolais, entre Congolais. Mais que pensez-vous de l'objectif que le M23 dit poursuivre : faire rentrer des Congolais qui, à un moment donné de l'histoire, ont dû quitter le territoire et qui sont désireux maintenant de revenir ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : Quand il s'agit de Congolais qui sont déplacés, on doit faire une distinction entre deux types de déplacés.
Nous avons les déplacés internes. Il s'agit de près de 7 millions de personnes.
Je pense qu'il y a quelques statistiques d'organisations internationales qui parlent d'au moins un tiers de ces déplacés ayant dû se déplacer à cause de la crise du M23.
Donc vous voyez déjà que l'argument du M23 est assez fallacieux, de parler de déplacés qui devraient retourner et en même temps d'occasionner le déplacement de millions de Congolais.
Mais ça, ce sont les déplacés internes. Et ensuite, nous avons les déplacés qui ont quitté la République démocratique du Congo et donc qui sont des réfugiés.
La République démocratique du Congo, pays membre des Nations unies, participe au processus tripartite avec le Rwanda et le HCR.
C'est l'unique cadre à travers lequel le retour de personnes déplacées à travers des frontières internationales peut être facilité.
Un groupe armé qui bombarde des camps de déplacés comme le M23 l'a fait, qui occupe illégalement des territoires, qui contribue à des massacres, n'a aucune légitimité pour s'octroyer le titre de porte-parole d'une quelconque population.
Surtout pas un groupe armé qui lui-même occasionne le déplacement de millions de Congolais et de Congolaises.
DW : Le gouvernement congolais avait annoncé à la population congolaise que la Monusco plierait bagages d'ici la fin de l'année mais entre-temps la Monusco a été priée de rester. Madame la ministre, qu'est-ce qui a conduit à ces changements ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : Le plan de désengagement de la Monusco ne prévoyait pas de date butoir spécifique pour le départ de la Monusco.
La date initiale qui avait été proposée et projetée pour la fin de cette année était un objectif mais n'était pas définitive ou arrêtée dans ce document. Vous connaissez la situation qui prévaut dans le Nord-Kivu, qui rend un départ de la Monusco difficile.
Pourquoi ? Parce que nous voulons que ce soit un départ responsable. La Monusco est là sous mandat du Conseil de sécurité et donc elle est là parce que le Conseil de sécurité estime qu'il y a un risque à la paix et à la sécurité internationale.
Et, en effet, il y a ce risque-là. Quand vous avez 4.000 militaires rwandais, il y a ce risque-là.
Donc, un départ immédiat de la Monusco du Nord-Kivu nous exposerait en fait, en tant que pays, et exacerberait certains risques que nous avons déjà établis.
DW : Sur le plan diplomatique, cette crise perdure quand même depuis plusieurs décennies. La France a demandé au Rwanda de se retirer, les Etats-Unis l'ont fait. L'Allemagne n'est pas membre détenteur de droit de veto au Conseil de sécurité, mais l'Allemagne aussi a pris position. Chaque fois, ces acteurs rappellent à la RDC de cesser son soutien aux FDLR. Où en est-on ? Est-ce que ce soutien va être arrêté pour que le Rwanda se sente rassuré ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : Il y a une différence très importante sur laquelle j'insiste toujours quand je parle de la question des FDLR.
Cela n'a jamais été la politique de la République démocratique du Congo d'appuyer les FDLR.
Donc, quand nous parlons d'un soutien aux FDLR, nous parlons de cas isolés, nous parlons de cas qui, quand ils sont avérés, sont sanctionnés et poursuivis.
DW : Donc des soldats congolais qui prêtent main forte (aux FDLR) ….
Thérèse Kayikwamba Wagner : … qui étaient isolés. Mais ce n'est jamais la politique du gouvernement de la République démocratique du Congo d'appuyer les FDLR.
DW : Mais ils agissent dans l'intérêt de la RDC…
Thérèse Kayikwamba Wagner : ... c'est tout autre chose.
Quand un Etat frontalier à la République démocratique du Congo envoie quatre mille troupes, ça, c'est une politique.
Nous ne nions pas la problématique des FDLR. Le Rwanda, jusqu'à présent, et vous l'avez dit aussi, nie sa présence. Ça, c'est une politique : c'est de l'occupation.