L'Europe instrumentalisée par la Turquie?
30 novembre 2015Ce qui inquiète la presse allemande, c'est surtout de savoir si le président turc Recep Tayyip Erdoğan est digne de confiance. "L’Union Européenne a fait bien des concessions, sans garanties" que la Turquie va tenir ses promesses, note Die Welt. "Il faut saluer cette tentative de résorber le flux de réfugiés", concède le quotidien de Berlin, "car seule la Turquie peut jouer ce rôle de rempart contre l’immigration de masse". Mais le président Erdoğan "n’a qu’un seul but : la liberté de voyager en Europe pour les 78 millions de Turcs. Cela devrait leur être servi sur un plateau d’argent en 2017 au plus tard."
Les Droits de l'Homme au placard
Du côté de la Süddeutsche Zeitung, de Munich, on s'inquiète surtout du non respect des droits de l'homme. Le journal s'intéresse au sort du directeur du grand quotidien de gauche turc Cumhuriyet, Can Dündar, et de son chef de rédaction, Erdem Gûl. Ils ont été inculpés jeudi dernier pour espionnage, après avoir publié des images de livraisons d’armes, imputées aux services secrets turcs, à des combattants syriens anti-Bachar al-Assad. "Ils ont adressé depuis leur prison une lettre ouverte aux dirigeants européens, qui est passée inaperçue", raconte le journal. Car l’Europe est sous pression, et "les libertés de la presse et l’indépendance de la Justice ne la préoccupent guère", conclut le journal.
La Turquie sous pression
Comme l’explique la Frankfurter Allgemeine Zeitung, de Francfort, "sur le long terme, la Turquie a au moins autant besoin de l’Europe que l’Europe a besoin de la Turquie maintenant." Recep Tayyip Erdoğan est un nostalgique de la période ottomane et "rêve de faire de son pays une puissance hégémonique, en mesure de protéger tous les peuples turcophones, jusqu’en Asie centrale." Un rêve qui est entré durement en collision avec la réalité: "L’ancien ami Bachar Al-Assad, le président syrien, est devenu un enemi à mort. L’engagement militaire direct de Poutine en Syrie est aussi une prise de position directe contre la Turquie." Alors, pour Erdogan, les réfugiés syriens sont "une arme stratégique pour faire chanter l’Europe, et surtout l’Allemagne !", conclut le journal.