Mauritanie : liberté et exil pour le blogueur Ould Mkhaitir
30 juillet 2019Avant cette libération, Ould Mkhaitir s’était publiquement repenti à la télévision nationale. C’était la condition posée par les imams et oulémas.
Vêtu d’un boubou blanc sur une chemise sombre, bien coiffé, le blogueur, d’une voix lente mais audible, a lu : "Je déclare devant Allah et devant tout le monde ma repentance sincère."
En 2017, sa condamnation à mort pour propos blasphématoires à l’encontre du prophète Mohamed avait été portée à deux ans par une cour d’appel. Il devait être libre mais il a été maintenu en prison. Après la présidentielle de juin dernier, Mohamed Ould Abdel Aziz, président sortant, reçoit des imams et leur demande de statuer sur le sort du blogueur.
Mohamed Ould Moine, avocat de Mkhaitir, assimile ce repentir, caméra au point, à une humiliation. "Le mettre sur le podium de la télé, l’humilier publiquement, c’est très grave comme violation des droits de l’Homme, c’est un traitement dégradant universellement incriminé", indique l'avocat.
Un des arguments qu’avançait Ould Abdel Aziz pour maintenir Mkhaitir en prison était d’assurer sa sécurité et la sécurité publique pour prévenir la vindicte populaire. Pour Me Moine, il n’en est rien. "On a voulu, présenter le peuple mauritanien comme un peuple barbare, sauvage, violent, ce n’est pas vrai", dit l’avocat qui ajoute que "c’est une mise en scène faite par les services de renseignement de Ould Abdel Aziz, de son parti politique, de son clergé, ses chefs de paroisse, ses marabouts et ses gourous utilisés massivement pour embrigader des gens dans ce phénomène."
Pour Aminetou Mint Mokhtar, militante de droits de l’Homme, présidente de l’AFCF (association mauritanienne de sfemmes chefs de famille), Ould Mkhaitir est aussi victime de son appartenance à la caste des forgerons.
"Il est membre d’une caste, c’est un forgeron, donc il était la proie la plus facile devant la féodalité traditionaliste, devant le pouvoir dirigé par les tribus et les obscurantistes", déclare-t-elle.
L’annonce du départ de Mkhaitir pour l’étranger n’a guère suscité des manifestations publiques hostiles.