La RDC dépose une plainte contre Apple
17 décembre 2024La République démocratique du Congo a déposé une plainte contre le groupe Apple. Les autorités de RDC reprochent notamment au géant de la tech d'utiliser des minerais issus de l'exploitation illégale de mines congolaises. Cette plainte, déposée en France et en Belgique, est l'aboutissement d'un conflit qui dure depuis plusieurs mois entre l'Etat congolais et le groupe américain.
Les griefs de la RDC contre Apple
La République démocratique du Congo accuse les filiales française et belge d'Apple de s'approvisionner en minerais congolais passés en contrebandeau Rwanda. Sont visés notamment l'achat des minérais dits 3T (étain, tantale, tungstène) et l'or.
Selon les plaignants, Apple France, Apple Retail France et Apple Retail Belgium se rendraient ainsi coupables de recel de crimes de guerre, de recel de biens volés, de blanchiment de minerais issus de conflits et de pratiques commerciales trompeuses.
Ce dernier point concerne le discours de l'entreprise qui, selon le communiqué des avocats de la RDC, serait destiné à "assurer les consommateurs que les chaînes d'approvisionnement du géant de la technologie sont propres".
Hypocrate Marume, membre du cadre de concertation de la société civile du Sud-Kivu, se félicite de cette démarche de l'Etat congolais. Il espère que la plainte permettra de mettre un terme aux violations des droits humains, aux viols et aux vols que subit la population des zones concernées par les trafics de minerais.
"C'est un ouf de soulagement pour nous, populations de l'est, déclare-t-il. Voilà pourquoi nous demandons à toutes les organisations de la société civile sur toute l'étendue du territoire congolais de s'aligner derrière nos avocats qui ont été choisis par le gouvernement congolais pour qu'ils accompagnent cette plainte et défendent l'Etat congolais afin que nous puissions accéder à des réparations des préjudices que ces groupes ont déjà causés en connivence avec les rebelles."
Que répond Apple ?
En avril dernier, la RDC avait déjà mis le groupe Apple en demeure. Sans obtenir de réponse formelle quant à son utilisation de "minerais de sang" dans sa chaîne d'approvisionnement.
Plus tôt, Apple a déjà nié s'approvisionner auprès de raffineries ou de fonderies en lien avec des "groupes armés en RDC ou dans un pays limitrophe".
Désormais, la RDC affirme détenir de nouvelles preuves de ces infractions, émanant notamment de lanceurs d'alerte.
Le communiqué publié ce mardi par les avocats de la RDC précise donc que l'objectif de la plainte est de "confronter les individus et les entreprises impliqués dans la chaîne d'extraction, d'approvisionnement et de commercialisation des ressources naturelles et des minerais pillés en RDC".
Le problème du contrôle étatique
Et effectivement, le contrôle des mines de plusieurs provinces congolaises, dans les deux Kivu, ou au Katanga par exemple, laisse à désirer.
Des entreprises et parfois des groupes armés exploitent des concessions sans que les autorités congolaises ne puissent vérifier les pratiques sur ces sites, ni même percevoir les taxes qui leur sont dues.
Un militant pro-environnement congolais, joint par la Deutsche Welle et qui requiert l'anonymat, confirme les abus et les trafics dans ce domaine qu'il étudie de longue date. Mais il incrimine également les pouvoirs publics congolais, incapables de s'acquitter de leur devoir de protection de la population et du contrôle des ressources du pays.
Des autorités qui "bradent", selon lui, les carrés miniers. En cela, il trace un parallèle entre les activités minières et l'exploitation des hydrocarbures dont ne profitent pas les populations alentours.
Des responsabilités partagées
Les progrès, eux, ne se feraient qu'au compte-gouttes, avec certes des redevances minimes reversées aux communautés locales, 0,3% du chiffre d'affaires alloué aux autorités territoriales décentralisées, mais avec aussi une exploitation minière qui cause de gros dommages pour l'environnement et la biodiversité, qui entraine le déplacement forcé de populations et repose sur l'exploitation, à des prix dérisoires, du travail des populations locales – et même, parfois, sur le travail d'enfants dans les mines.
Or, toujours selon notre interlocuteur, si les entreprises profitent du désordre actuel, c'est que ce contexte existe et a été rendu possible par les responsables. "Ce sont eux qui ont concédé les licences aux entreprises, mais quand une autorité provinciale va pour vérifier ce qui se fait sur place, elle peut se faire tabasser par des hommes en armes. On est dans quel pays ?", s'interroge-t-il avant d'appeler l'Etat congolais à prendre ses responsabilités pour mieux considérer l'environnement et les communautés locales avant de vouloir faire de l'argent.
La justice française et/ou belge va devoir désormais décider d'ouvrir ou non une enquête dans une affaire qui pourrait créer un précédent.
Les réactions des habitants de Goma
Si certains citoyens soutiennent la démarche de Kinshasa, d'autres pensent que le gouvernement devrait d'abord s'en prendre aux exploitants illégaux qui exportent leurs produits vers les pays voisins, comme le Rwanda et l’Ouganda.
"Je trouve qu'Apple est une société mafieuse et je soutiens l'Etat. Je suppose que quelque part, il y a des preuves pour pouvoir tenir une telle accusation", explique cet habitant de Goma au correspondant de la DW.
Une autre estime que "déposer une plainte après tant d'années n'est pas le bon moment. Ce n'est pas aujourd'hui qu'ils (Apple) ont commencé et surtout que ce n'est pas la seule société qui fait cela. Il y a beaucoup d'entreprises qui volent des minerais ici, mais ils ne sont pas accusés de le faire". Elle ajoute que cette plainte permettra d’ouvrir les yeux sur des questions essentielles comme la sécurisation des richesses minières en RDC.
"Le courage de porter plainte, c'est déjà un pas dans la bonne direction pour trouver une solution", note cette Gomatracienne.
Enfin, un autre habitant, trouve que si "Apple a besoin des minerais qui se trouvent au Congo l’entreprise doit d'abord passer par le gouvernement congolais".