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EconomieBénin

Benin-Niger, le bras de fer autour de Wapco

Rodrigue Guézodjè
10 juin 2024

La tension entre le Bénin et le Niger est montée d'un cran après l'interpellation de cinq ressortissants nigériens au port béninois de Sèmè-Kpodji.

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Des hommes transportent des sacs entre le Bénin et le Niger à Malanville (photo de septembre 2023)
Les populations craignent les répercussions des tensions politiques dans leurs échanges quotidiensImage : AFP/Getty Images

De la crise diplomatique entre le Niger et le Bénin: l'interpellation, la semaine dernière, de cinq ressortissants nigériens au port béninois de Sèmè-Kpodji a envenimé la situation. La réaction de Niamey ne s'est pas fait attendre. Et les populations redoutent de graves impacts de ce bras de fer entre les deux voisins.  

Nouvelle escalade

Tout le monde croyait que la voie était balisée  pour une sortie de crise, après la levée définitive par le Bénin de l'embargo sur le pétrole nigérien. C'est plutôt à une nouvelle escalade qu'on assiste après l'arrestation de cinq citoyens nigériens.

Abdramane Amadou, porte-parole du CNSP
Au nom du CNSP, Abdramane Amadou dénonce l'attitude des autorités béninoisesImage : AFP via Getty Images

Les militaires au pouvoir à Niamey n'ayant pas obtenu, comme ils l'ont exigé, la libération de ces derniers, ils ont procédé à la fermeture de la station de Koulélé (dans l'extrême est du Niger), à partir de laquelle le brut est transporté vers la station terminale de Sèmè-Kpodji.

Samedi, sur les antennes de l''Office de radiodiffusion télévision du Niger, la junte militaire a dénoncé les attitudes du Bénin et a interpellé ses partenaires chinois. Abdramane Amadou, porte-parole du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) a ainsi déclaré :

"Il revient à la République populaire de Chine, partenaire stratégique dans l'exploitation du pétrole nigérien, de prendre ses responsabilités en s'engageant clairement dans le respect de toutes les clauses contractuelles".

Aucune réaction pour l'heure, du côté des responsables de la société Wapco (West African Gas Pipeline Company Limited).

Des camions bloqués à Malanville, à la frontière entre Bénin et Niger (septembre 2023)
Des camions bloqués à Malanville, à la frontière entre Bénin et Niger, fin 2023Image : AFP/Getty Images

Interrogations sur la suite des événements

Pendant ce temps, au Bénin comme au Niger,les populations craignent que ne s'exacerbe la tension et redoutent des conséquences regrettables pour les relations entre les deux pays.

Adam, Ahouéfa et Kévin sont des citoyens rencontrés à Porto-Novo, Abomey Calavi et Cotonou au Bénin.

"Nos deux peuples partagent des liens culturels, historiques et économiques et il est douloureux de voir ces relations mises à mal", déclare Adam.

Ahouéfa ajoute : "On ne sait pas à quoi s'attendre, beaucoup de rebondissements, déjà sur le campus où moi j'étudie, on ressent des frictions entre les étudiants nigériens et béninois. Il ne faut pas que cette crise aille plus loin. Les dirigeants doivent vraiment prendre des mesures contre ça."

"Une résolution pacifique et équilibrée serait bénéfique pour les deux pays et leurs populations respectives. Donc la crise diplomatique entre le Bénin et le Niger a soulevé des interrogations quant à l'avenir des relations entre ces deux pays voisins", estime pour sa part Kévin qui poursuit : "Je trouve qu'il est capital que nos dirigeants, tant du Bénin que du Niger, trouvent des solutions pacifiques et diplomatiques pour mettre fin à ces tensions afin de permettre aux populations de vivre en harmonie et de se concentrer sur le développement".

Des travaux de construction du pipeline dans la région de Gaya, au Niger (octobre 2022)
Des travailleurs chinois et nigériens sur le projet de pipeline dans la région de Gaya, au Niger, en 2022Image : Boureima Hama/AFP/Getty Images

Le projet de pipeline incertain

Au-delà des inquiétudes, l'expert en gouvernance et observateur de l'actualité politique béninoise, Francis Euloge Atadé craint également la suspension du projet pipeline Niger-Bénin. C'est pourquoi, il  suggère une médiation, autre que politique pour une décrispation de la tension.

"Si le Niger veut mettre fin au pipeline ou détourner son trajet comme il l'a fait pour ses marchandises, mais pourquoi cette attitude ?", s'interroge le politologue. "Que faire des populations qui sont condamnées à vivre ensemble, surtout celles vivant de part et d'autre des deux frontières ? Voilà autant de questions en suspens qui nous obligent à anticiper la médiation, par exemple d'une personnalité religieuse dont il faudra bien étudier le choix".

Plusieurs voix comptent sur la médiation de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest.